Identité et Fondations

LES FONDATIONS


Les FONDATIONS (SHISEI, IRIMI, KAMAE, KOKYU…) sont des façons différentes et complémentaires d’aborder la pratique et l’unité recherchée. Ce sont les éléments structurants avec lesquels il est possible de développer le SENS DE LA GLOBALITÉ. Il ne s’agit pas simplement d’accumuler des connaissances techniques mais d’approfondir sans relâche ces notions. Il est souhaitable que les débutants prennent connaissance de ce vocabulaire progressivement, et ce dès le début de leur pratique.
Une partie des fondations est présente dans toutes les PRÉPARATIONS proposées par MAÎTRE TAMURA. Cette recherche est précieuse et à encourager. Plus qu’un simple échauffement, la préparation est déjà la pratique.
Enseigner, « transmettre les bases », c’est approfondir en permanence les fondations dans la pratique et pas seulement s’attacher à l’étude de techniques ou de katas.


UNE EXPRESSION : REIGISAHO – LES ARMES – AITÉ ET TORI

Le REIGISAHO, l’étiquette, est plus qu’un code (reishiki) : c’est une première expression du SHISEÏ et du KOKYU :
une présence à soi-même et aux autres ; du KAMAE et du ZANSHIN : l’accès à une pleine perception élargie de l’espace ; de ARUKIKATA : une disponibilité des appuis. Cette notion se développe au Dojo et dans la vie quotidienne, elle se retrouve dans tous les temps de la pratique de l’aïkido: stages, passages de grades, démonstrations, examens d’enseignement. L’enseignant a un rôle capital dans leur transmission.
La pratique avec les ARMES (boken-jo-tanto) est intégrée aux techniques dès le début de la pratique et permet d’en approcher l’essence. L’étude du sabre [Satsu jin to (sabre qui tue) et Katsu jin ken (sabre qui préserve la vie)] est essentielle pour développer une pleine présence détendue et déterminée dans la situation martiale.
L’enseignant convoque les principes du sabre lors de la pratique à mains nues.
AITÉ est non seulement le partenaire qui attaque : il reste présent durant toute la réalisation du mouvement.
L’immobilisation et la projection sont le résultat de l’instant du mouvement d’aïkido. AITÉ et TORI apparaissent comme les deux faces d’une même réalité. L’enseignant développe la justesse, la sincère et égale expression de ces deux aspects du mouvement favorisant ainsi la progression de chaque élève.


UNE PRATIQUE : NOTIONS RELATIVES AU MOUVEMENT

Approcher le sens de l’aïkido nécessite une pratique consciente, continue et régulière, une recherche.
Lors de la pratique, le mouvement d’aïkido se caractérise à travers des dynamiques essentielles:
– la COORDINATION : la capacité à se mouvoir avec la totalité du corps aligné (irimi)
– la SYNCHRONICITÉ : l’immédiateté de la concordance Tori / Aité (ma aï)
– la CONTINUITÉ : une réalisation technique en un temps, toujours à la même vitesse (taï sabaki)
– la PRÉSENCE : une attitude disponible, détendue et déterminée permise par une respiration (kokyu ryoku)
Cette mobilité se construit avec des éléments corporels indispensables :
– la VERTICALITÉ : un axe (seichusen), un centre (seika tanden), un regard (metsuke)
– la DISPONIBILITÉ : des appuis au sol sans ancrage, sans impulsion depuis le sol (kamae)
– la TONICITÉ : une condition physique appropriée pour une pleine expression du mouvement


UNE RÉALISATION : UNIFICATION DU CORPS ET DE L’ESPRIT

L’aïkido est un DŌ, un chemin que l’on prend pour la vie. Par les mouvements d’aïkido, le pratiquant se forme en développant son corps (souplesse, puissance, réflexe, santé, élégance), il développe également une fermeté d’âme en abordant le goût de l’effort par la persévérance. Il se révèle au cours de l’incessante pratique de l’art martial avec l’autre. Une respiration posée, ample s’installe.
Le KI, l’énergie de vie, dilue la position centrale du pratiquant vers un espace élargi, et lie le tout.


LES FONDATIONS

Extraits de l’ouvrage AIKIDO – Nobuyoshi TAMURA shihan

SHISEI
Shisei se traduit en français par: position, attitude, posture, pose. Sugata (shi) exprime la forme, la figure, la taille.
Ikioi (sei) exprime la force, la vigueur, la vivacité. Shisei contient ces deux sens.
Mais le sens de shisei ne désigne pas seulement une attitude extérieure: une bonne forme, un bon style, un bon maintien, mais aussi une force intérieure visible de l’extérieur dans sa manifestation, par exemple, la vitalité chez un enfant apparente au travers de sa vivacité, de ses yeux vifs, de ses mouvements….
Si nous voulons atteindre ce shisei, de quoi avons-nous besoin? D’abord de mettre en ordre le corps qui est le vase contenant le ki. Pour ce faire, étirez la colonne vertébrale et gardez-la droite. Si vous avez le sentiment de pousser le ciel avec la tête, la colonne vertébrale s’étire naturellement. Ne gonflez pas la poitrine dans la position militaire au
garde-à-vous. Les épaules décontractées tombent avec souplesse, l’anus est fermé, les reins ne sont pas cambrés, le ki est confortablement posé dans le seika tanden, le corps tout entier calmement détendu.
Le grand adepte du sabre Miyamoto Musashi dit, parlant du shisei martial: « Le visage est calme, ni tourné vers le haut, ni vers le bas, ni vers le côté, les yeux clos légèrement, sans mouvement des globes oculaires, le front sans un pli, les sourcils légèrement froncés, l’arête du nez droite, sans trop ramener le menton en avant, la nuque droite
également, les vertèbres cervicales pleines de force. Au-dessous des épaules tombantes, le corps est parfaitement décontracté, la colonne vertébrale est en place, les fesses rentrées; les genoux jusqu’aux orteils s’appuient fortement sur le sol, les hanches ne sont pas vrillées, le ventre est fermement arrondi « .
En aikido, on appelle sankakutai une telle posture souple, équilibrée, permettant de se mouvoir librement, tel un tétraèdre régulier qui, en tournant, devient cône.

KOKYU
Shisei est acquis. L’attitude est bonne. Le travail suivant est Kokyu.
Haku (ko) expirer
Suu (kyu) inspirer
Tous les êtres vivants absorbent l’oxygène, rejettent le gaz carbonique. Cette action porte le nom de kokyu. Un bon kokyu est lent, profond, long, fait naturellement. C’est donc une respiration abdominale.
Au début de la pratique, il est bon d’insister sur l’expiration puis de laisser l’inspiration se faire. La respiration se fait par le nez. Si le rythme respiratoire est perturbé, utiliser la bouche pour le rétablir.
L’inspiration se fait bouche fermée, les molaires légèrement serrées, la langue en contact avec le palais. Les débutants comptent mentalement pour régler l’expir et l’inspir. À l’inspiration, anus fermé; imaginer que l’air descend plus bas que le nombril.
Dans la pratique du Budo, il arrive que l’inspiration soit rapide, que l’on retienne longuement l’air dans les poumons, que l’on ait besoin de le rejeter rapidement ou au contraire lentement.
Pendant l’exercice, il faut prêter une très grande attention à la maîtrise du kokyu. Kokyu ne consiste pas uniquement à renouveler l’air des poumons, à rejeter les impuretés. Il est nécessaire durant sa pratique d’avoir le sentiment de s’emplir à nouveau d’un ki pur. Le ki, ainsi emmagasiné, sort avec puissance quand le besoin s’en fait sentir. Ce
rayonnement constant du ki est le shisei juste.
Dans la vie quotidienne donc, quand vous êtes débout, en marche, au travail, même quand vous dormez, exercez vous avec cœur. Si une urgence se présente, votre kokyu sera alors celui de tous les jours. Mais pour atteindre cet état, le quotidien est important.
L’homme, normalement, oublie qu’il respire mais n’oublie certes jamais de respirer. De la même façon, au-delà de la conscience, il faut faire pénétrer dans le corps, acquérir un kokyu juste, un shisei juste. Il faut s’entraîner sans cesse afin d’obtenir ce résultat.
Le corps ayant été, de la sorte, empli d’un ki vigoureux, quand on atteint l’unité avec la nature, l’énergie du ki envahie le corps; il devient possible de faire jaillir de vous-mêmes une puissance qui dépasse l’imagination. Cette force de la respiration (kokyu ryoku) qui s’exprime ainsi n’est pas vôtre, elle est la force de respiration du ciel et de la terre.


KAMAE
Dans le Budo, on dit souvent: « ce qui est important est kamae ». Kamae n’est pas propre au Budo, il appartient aussi à d’autres arts: fleurs, calligraphie, thé: Dans le football, la boxe, le tennis, kamae est également important. Dans la langue japonaise, kamae a pour sens: se préparer, se mettre en garde. Le verbe kamaeru se traduit par
fabriquer, construire, préparer, attendre avec intensité, être à l’affût, sur le qui-vive. L’idéogramme chinois de kamae est construit de la clé « bois », la suite de l’idéogramme représente un tenon et une mortaise qui rappellent l’assemblage indissociable de la charpente. Ainsi le kamae dont on parle en Budo consiste à prendre par rapport à
Aite la position la plus avantageuse possible. Que, porteur d’une arme, on se trouve en face d’un adversaire ou que deux armées soient face à face, en toute circonstances kamae est important.
On ne peut pas traduire simplement kamae par forme. Il est inutile de rappeler que kamae contient à la fois les forces du ki et le pouvoir de percevoir tous les détails. Au Kendo, le kamae du Kendo; au Judo le kamae du Judo;
au tennis le kamae du tennis; en aikido on utilise hammi no kamae (garde de profil).

À partir d’une bonne position naturelle (shizentai) debout, jambes écartées à la largeur des épaules, le pied gauche avance alors que le pied droit naturellement entraîné, pivote. Nous avons la garde à gauche: hidari hammi.
Inversement, nous avons la garde à droite: migi hammi.
Si les deux adversaires prennent la même garde, pied droit ou pied gauche en avant, nous obtenons: ai hammi no kamae: Si, au contraire, les deux adversaires ont une garde opposée l’un le pied droit en avant, l’autre le pied gauche ou inversement, nous disons gyaku hammi no kamae. Maintenant, si dans hidari (ou migi) hammi, le pied
gauche (ou le droit) avance d’un pas comme dans irimi et que le pied arrière suive, le gros orteil dans l’alignement du talon et du pouce du pied gauche (ou droit) avancé, nous sommes dans la posture ou garde, dit: hitoemi ou ura sankaku.
Avec le sabre, on utilise migi hammi. Avec le jo ou à mains nues la garde de base (fondamentale) est la garde à gauche hidari hammi.
Pourquoi hitoemi est la garde fondamentale de l’aikido? Parce que hitoemi permet de se mouvoir facilement face à n’importe quelle attaque et, de là, pratiquer toutes les techniques et de les assimiler. Néanmoins, il faut en arriver à dépasser le kamae, le véritable kamae est le kamae sans kamae, de manière à ce que vous puissiez trouver la
bonne réponse, quelle que soit l’attaque, n’importe où, n’importe quand, à partir de n’importe quelle position.
O Sensei dit: « Ne regardez pas les yeux de Aite, le cœur se fait aspirer par les yeux de Aite, ne regardez pas le sabre de Aite, l’esprit se fait aspirer par le sabre de Aite, ne regardez pas Aite, vous absorberiez le ki de Aite ». Le Bu de vérité est une pratique visant à absorber Aite dans sa totalité. « Je me tiens debout tout simplement ».

MA AÏ
Dans le Budo, on dit que ma aï est important. C’est le mot qui définit la relation spatiale entre Aite et soi-même. La position d’où il est facile d’attaquer ou de se défendre. Le ma aï n’est donc pas seulement une notion de distance; il faut y inclure le mouvement des cœurs dans l’espace. Si j’ai peur, l’espace semble trop petit, si j’ai trop confiance en moi, l’espace semble trop grand.
L’idéogramme ma est constitué: de la porte et de la lune. C’est la lune perçue par l’interstice des portes fermées.
Nous dirons: quelque closes que soient les portes, il reste toujours un interstice pour laisser filtrer la lumière de la lune. De même, si parfaite que soit la garde, il y a toujours un interstice où se glisse la lumière de la lune. Pourquoi cette force dans l’interstice? Simplement parce que cette fente, si minime soit-elle, contient l’espace vide tout
entier.
Aussi au mur d’honneur du séjour d’une maison japonaise, il y a le tokonoma. Là, dans ce vide, on peut placer un tableau ou bien des fleurs dans un vase. Ce vide donne vie au tableau comme aux fleurs.
En peinture comme en musique, tout vient à la vie parce qu’il y cet espace vide. C’est le vide du verre qui permet de le remplir. C’est l’espace dans une pièce qui permet aux gens d’y vivre. C’est la vacuité de cet espace qui est importante. Quand on ne veut rien, quand on pense qu’il n‘y a rien, il y a pourtant quelque chose. La civilisation orientale, peut-on dire, est la civilisation qui accorde de l’importance à la vacuité.
Le aï de ma aï est le même aï que le aï de aïkido, avec le sens de faire Un, mettre en ordre, harmoniser…. Ma aï est donc, comme vous pouvez le déduire de ce qui vient d’être écrit, l’espace qui naît à la fois du cœur et de l’esprit, de soi-même et de l’autre, et les englobe tous deux dans une évolution constante vers la position la plus avantageuse.
J’ai expliqué, jusqu’à maintenant, shisei, kokyu, kamae, ma aï, qui sont les bases précieuses à cultiver, à répéter inlassablement, à marteler. Ces quatre termes ne relèvent pas seulement du domaine du Budo, ils ont la même importance dans tous les arts: kado, la voie des fleurs, shodo, la voie de la calligraphie, la peinture, la musique, la
danse, que dans le études ou la vie quotidienne. Ce sont des mots dont il faut s’imprégner.
Ce que je vais expliquer maintenant ne fait pas partie du vocabulaire courant japonais: irimi, taï-sabaki, kokyu-ryoku…


IRIMI
Le irimi utilisé en aikido, la loi irimi est la racine de l’aikido: On rapporte que O Sensei aurait transposé en aikido la loi irimi qu’il avait saisie par l’étude approfondie de l’art de la lance.
L’idéogramme iri de irimi exprime de passer l’entrée de la maison, d’y pénétrer de soi-même ou d’y être invité.
L’idéogramme mi donne l’idée de l’enfant dans le ventre de sa mère, avec le sens de plénitude, plénitude de chair, d’os, de sang. Donc, mi égale corps, irimi mettre son propre corps dans le corps de l’adversaire. Suivant la méthode de la lance, ce mot irimi est utilisé pour désigner l’action de pénétrer victorieusement jusqu’à l’intérieur
de la garde d’un adversaire, armé d’une arme plus longue que la sienne, lorsqu’on est porteur, par exemple, d’un sabre ou d’une dague ou même encore lorsqu’on est désarmé.
Quand deux forces se meuvent en direction opposée, la force qui en résulte est l’addition de ces deux forces, irimi est l’utilisation de cette résultante et de sa relation avec sa propre position au moment du croisement.
Nous appelons irimi issoku l’entrée d’un pas sur le côté de l’adversaire, étant soi-même dans la position permettant irimi, en garde de profil, attaquant l’adversaire en lui renvoyant la force de son attaque, sans utiliser sa propre force. Mécaniquement expliqué, c’est très facile à comprendre, mais dans la réalité, il ne faut pas oublier qu’Aite est vivant et que tout peut ne pas fonctionner suivant la théorie, surtout s’il est mieux armé que vous.
À mains nues ou avec une arme plus courte que celle de l’adversaire, pour entrer à l’intérieur de sa garde ou la forcer, il faut juger le ma aï avec exactitude sans être arrêté par les changements de position de Aite. Cela est normal et ne devrait pas à être expliqué. Plus important est d’oublier son corps, d’entrer et de percer en pensant d’être percé, d’entrer directement sans la moindre hésitation.
Vous pressez Aite de votre puissance mentale, jusqu’à ce qu’il soit contraint d’attaquer; utilisant, prenant son attaque, vous entrez!
Au-delà de ce qui a été dit, si vous éprouvez le sentiment d’envelopper votre adversaire, de ne faire qu’un avec lui; il viendra de lui-même à l’intérieur de vous-même. C’est cela l’irimi de l’aikido.

TENKAN
Ten veut dire: transposer, transférer, changer, évoluer. L’idéogramme ten est composé de deux éléments, l’un signifiant: roue, l’autre évoquant un mouvement tournant circulaire. Kan: échanger. Tenkan est employé avec le sens de changer de direction, de ligne de conduite, d’état d’esprit.
En aikido, je crois que ce mot est utilisé parce que souvent, pour effectuer un mouvement, on pivote et que dans ce mouvement, en changeant de direction, le geste est rond et donne l’image de la roue qui tourne.
Considérez votre cas. Du fait de votre rotation, vous avez changé, soit de place, soit d’orientation. Tout changement d’état ou de position est tenkan. C’est pourquoi irimi – tenkan sont l’endroit et l’envers d’une même chose.


URA OMOTE
Une technique en aikido a deux aspects: ura wasa – omote wasa.
Ura représente principalement l’envers, le verso, le dos, l’aspect caché des choses.
Omote: l’endroit, la surface, l’extérieur, la façade, l’aspect apparent des choses.
Dans tout, il y a omote–ura. L’homme lui-même a une face et un dos.
On peut également utiliser omote–ura dans le sens : extérieur et intérieur. On peut avoir, par exemple, le visage souriant et le chagrin au cœur, ou encore, l’apparence du Bouddha et être dépourvu de sang et de larmes.
En classifiant grossièrement, on dira, omote wasa des techniques exécutées en entrant face à l’adversaire et ura wasa des techniques exécutées en entrant derrière l’adversaire. Certaines techniques sont possibles en omote wasa et en ura wasa, d’autres en omote wasa seulement ou au contraire en ura wasa.
J’entends par là que, placées dans la vérité du combat, ces techniques qui manquent sous une certaine forme n’ont pas d’application pratique.
Cette classification en omote wasa et en ura wasa a probablement été introduite pour faciliter l’entraînement, cependant une part essentielle de la pratique consiste à rejeter cette classification, à refuser de s’y laisser enfermer.


TAÏ SABAKI
Il semblerait qu’en Europe, taï sabaki soit généralement traduit par déplacement. Je pense que cela ne retransmet pas d’une manière très exacte le sens de taï sabaki tel que nous l’utilisons en aikido Je vais tenter de vous apporter quelques éclaircissements.
L’idéogramme sabaki est composé de deux éléments: la main et le verbe séparer (qui contient l’idée de désarticuler avec un couteau). Par extension, le verbe sabaku est utilisé dans des expressions désignant des actions aussi variées que:
vendre, distribuer, régler des dossiers, démêler une affaire…. Un homophone de sabaki qui s‘écrit avec un autre idéogramme se traduit par couper un vêtement, juger. Sabaku: redresser un désordre, décider de ce qui est juste ou faux, disperser des marchandises, faire ce qu’il se doit.
Taï: le corps: Donc taï sabaki signifie qu’au moment où un objet, un homme, tente de vous atteindre, qu’au moment où un ennemi vous attaque, jugeant de votre position relative, soit vous vous déplacez, soit vous bougez simplement une partie du corps, rétablissant ainsi la situation à votre avantage.
Rétablir la situation à votre avantage n‘est pas seulement garder l’équilibre, se mettre à l’abri…. C’est aussi de se placer dans une position d’attaque opportune.
Le taï sabaki de l’aikido demande encore davantage: perturber l’équilibre de Aite, dans l’instant même de l’action, et , suite logique, l’amener dans une position telle qu’il ne puisse plus se mouvoir.
Alors qu’Aite avait 99% des chances de l’emporter, votre taï sabaki a renversé la situation. C’est cela taï sabaki.

ATEMI
Pour beaucoup de gens, aujourd’hui, le mot atemi désigne le coup de pied du karaté, parce qu’au karaté, le but de l’entraînement, est de détruire l’adversaire d’un coup de pied.
Et j’écris ce chapitre, parce que d’aucuns croient qu’il n’y a pas d’atemi dans l’étude de l’aikido.
Certes, dans la pratique actuelle de l’aikido, on a supprimé l’atemi pour éliminer le risque de blesser le débutant, également pour éviter que le pratiquant privilégie l’étude de l’atemi au détriment de la technique, aussi pour empêcher des étudiants à l’esprit mal tourné d’en faire mauvais usage alors qu’ils auraient progressé dans la technique.
Donc ceux qui affirment qu’il n’y a pas d’atemi en aikido, connaissent moins que rien de l’aikido. O Sensei définissant l’aikido dit: « l’aikido est irimi et atemi ». Toutes les techniques de l’aikido incluent l’atemi.
Etymologiquement, ateru exprime l’idée d’estimer et d’évaluer avec précision la surface et le prix d’un champ. Par extension, nous aurons: placer exactement, tomber juste à l’endroit voulu, au centre de la cible, par exemple. A l’idée d’estimer, évaluer, s’ajoute la notion de succès.
Mi: le corps. Dans l’ancien Budo, atemi consistait à frapper les points vitaux de l’adversaire, pour provoquer une perte de connaissance ou la mort. Blesser en surface ou même briser un os n’est pas un atemi.
En aikido, l’atemi est aussi utilisé pour dominer la volonté d’attaque, provoquer une douleur aux points vitaux, perturber la concentration de l’adversaire, stopper son intention d’action.
De ces atemi légers, on passe aux atemi qui provoquent l’évanouissement ou la mort. Il est bon de les étudier en pensant à l’utilisation du couteau. Evidemment, ce travail doit comprendre l’étude des points de réanimation. Si vous étudiez les points de l’acupuncture, telle qu’elle s’est récemment développée, j’espère que vous comprendrez que les points qui peuvent apporter la guérison, peuvent aussi donner la mort. C’est un bon exemple qui montre qu’il y a en tout, ura et omote.
Quand vous aurez atteint un niveau élevé, il sera bon que vous découvriez, en cours d’exercice, la possibilité de placer ici ou là, un atemi.


KOKYU RYOKUU

Vous pouvez pratiquer l’aikido si vous pouvez soulever trois onces de son. Cela revient à dire, que l’aikido n’est pas un art de combat corps à corps, fondé sur l’utilisation de la force physique et musculaire.
Le travail de la technique en aikido se fait en utilisant pleinement l’énergie mentale et rationnellement la force physique. D’où l’expression employé plus haut. Si l’on utilise cette méthode, il est possible de développer une force supérieure à celle que l’on croit posséder. Lorsque nous disons que les personnes âgées, les femmes, les enfants peuvent pratiquer, cela ne signifie pas seulement qu’il peuvent s’entraîner, mais bien qu’ils peuvent appliquer cette voie au combat, après l’avoir bien comprise.
J’ai déjà effleuré plus haut le kokyu; dépassons maintenant le stade de la respiration physiologique pour absorber en nous-mêmes l’énergie de l’Univers; allons plus loin encore et fondons-nous en un seul corps avec l’Univers. La force qui en découle est nôtre, sans être nôtre, car en réalité, c’est l’énergie de l’Univers qui surgit de notre corps. Cette force accumulée dans le seika tanden pour emplir toutes les parties du corps, semblable à l’eau qui jaillit et jamais ne s’arrête, cette force émanant d’un corps et d’un esprit toujours calmes, sereins, détendus pour répondre à la nécessité
en tout temps et dans la direction voulue, cette force s’appelle kokyu ryoku.
Cette force, cadeau du Ciel, ne pourra s’exprimer, ni si votre nuque, vos épaules, vos bras sont inutilement contractés, ni si vous vous imaginez être fort ou au contraire incapable, ni si vous croyez que cette force ne peut exister. Tous ces déchets, toutes ces impuretés sont autant de barrages sur le passage du ki. C’est un peu comme un tuyau qui serait pincé, écrasé par un pied ou bouché par de la terre et dont l’eau ne pourrait s’écouler, alors que l’ayant branché sur un robinet, vous vous apprêtez à arroser un jardin.
O Sensei répète souvent: « l’aikido est une purification de corps et de l’âme, c’est décrasser le corps de l’âme ». Il est bien évident, que l’âme sera rayonnante, que la circulation sanguine s’améliorera de même que le mental et le physique, si l’on procède à un décrassage intérieur et extérieur.
Kokyu ryoku doit donner vie, chez le pratiquant d’aikido, à un geste aussi simple que lever un bras ou avancer un pied.
Une technique d’aikido exécutée sans emploi de kokyu ryoku, n’est pas une technique d’aikido, c’est un champagne sans bulles, une bière éventée.
Kokyu ryoku compris intellectuellement est inutilisable. Il faut l’apprendre par le corps dans l’exercice de tous les jours, il ne s’assimile qu’après un travail d’empilage. O Sensei dit à ce sujet: « un travail de trois jours n’est qu’un travail de trois jours, un travail d’un an n’est qu’un travail d’un an, un travail de dix ans engrange la force de dix ans ».
Sans Kokyu ryoku la forme de la technique peut exister mais elle n’est alors qu’une forme vide.
Sans passer par les techniques, il est impossible de s’imprégner de kokyu ryoku. En outre les résultats seront différents selon que vous y croyiez ou non.